Pierre de Gaulle : «Les Républicains ont raison de choisir l’indépendance, sinon ils cesseront d’exister»
ENTRETIEN – Le petit-fils du Général de Gaulle, quatrième fils de l’amiral Philippe de Gaulle, se dit de droite mais n’a pris qu’une seule fois sa carte à l’UMP, en 2007. Il estime que la France a plus besoin de décideurs que de communicants.
LE FIGARO . – Cinquante-deux ans après la mort de votre grand-père, nombre de politiques français se disent gaullistes ou gaulliens.
Considérez-vous cela comme une marque de reconnaissance ou comme le signe d’une confusion ?
Pierre DE GAULLE . – Qu’ils se disent gaullistes, c’est-à-dire partisans, ou inspirés de la politique du Général de Gaulle, ou gaulliens, c’est-à-dire adeptes de sa pensée et de son style, tous les hommes politiques se réclament de son héritage. Y compris ceux qui sont contre mais ceux-là, on ne les entend pas beaucoup, caution politique oblige. C’est évidemment une marque de reconnaissance et de respect, moins souvent une filiation. Très au-dessus des clivages politiques actuels, se tient la statue du Commandeur, qui a redonné à la France son honneur et sa grandeur et l’a investie comme grande puissance. Toute sa vie mon grand-père s’est battu pour rétablir la souveraineté et l’indépendance de notre pays et promulguer son excellence.
Je comprends en revanche, que cela puisse créer une certaine confusion chez nombre d’hommes politiques français. Parce que le Général de Gaulle, c’était bien sûr l’autorité naturelle, mais aussi la stratégie, la vision, la conviction et un grand sens des réalités. Ce qui me frappe, c’est l’absence de stratégie au sein de la classe politique française et l’absence de solutions concrètes pour soulager les Français face à la crise actuelle. Mais c’est aussi une formidable source d’ardeur et de renouveau pour les générations futures. Les héritiers de l’œuvre du Général de Gaulle, ce sont tous les Français et tous ceux qui aiment la France.
LE FIGARO. Comment Charles de Gaulle jugerait-il la France d’aujourd’hui ?
Il serait navré de voir à quel point la France est descendue si bas, tant du point de vue de son rang sur la scène internationale, que de son économie, de sa sécurité et de la perte de sens moral et civique. Il était aussi profondément croyant et l’ardent défenseur des valeurs fondamentales que sont la foi, la famille et l’éducation. Lorsque le Général a quitté le pouvoir en 1969, parce qu’il avait perdu le référendum sur la décentralisation et donc selon lui, la légitimité pour gouverner, il a laissé une France forte, sans endettement, indépendante tant sur le plan de la défense stratégique, que civil, notamment vis-à-vis de l’énergie. Pourtant la situation de la France en juin 1940 était autrement plus dramatique.
LE FIGARO. Compte tenu des difficultés de la France, l’ex-président Nicolas Sarkozy estime que Les Républicains devraient saisir la main tendue par Emmanuel Macron. Quel est votre avis ?
Le président Sarkozy n’a pas été d’un grand soutien pour son parti, ni pour sa candidate lors des dernières élections présidentielles, c’est le moins que l’on puisse dire. Je pense que les militants l’ont très mal vécu. Pourtant, je crois que les Français en ont assez de l’eau tiède et des compromissions. Ils ont porté à l’Assemblée nationale plusieurs partis politiques pour des idées et des solutions concrètes à leurs problèmes, dont en premier lieu le pouvoir d’achat mais aussi le chômage, la santé, la crise alimentaire, la sécurité et l’éducation de leurs enfants. Il y a, à raison, une grande peur de l’avenir.
Je ne me reconnais pas dans la France d’aujourd’hui tant l’absence de perspective à long terme, d’anticipation des problèmes et de valeurs morales est criante. D’un point de vue plus personnel, ma femme est Algérienne et j’ai trouvé chez elle les valeurs essentielles de la famille, de l’éducation, de la foi et du bon sens, qui font tellement défaut dans la société occidentale moderne.
LE FIGARO. Que pensez-vous de la stratégie d’indépendance défendue par Les Républicains à l’égard d’Emmanuel Macron?
Le parti LR est pour moi un parti d’opposition. En tout cas, il devrait l’être. Je pense que Les Républicains ont raison sinon ils cesseront d’exister. Pendant les campagnes présidentielles et législatives, ils ont présenté des mesures honorables mais pas suffisamment différenciées, notamment concernant le pouvoir d’achat, le prix des carburants et des matières premières. Les partis dits «extrêmes» étaient en revanche nettement plus explicites. La perte par la majorité présidentielle de sa capacité de manœuvre depuis le second tour des législatives appelle à des alliances et des combinazione. Je regrette que cela se fasse au détriment des Français, qui sont dans l’urgence et ont plus que jamais besoin de solutions pratiques, efficaces et de portée immédiate. Il faut cesser de les infantiliser.
LE FIGARO. On a parfois associé le « président du en même temps » à la fin des clivages politiques. Comment analysez-vous l’évolution actuelle de notre paysage politique ?
Ce sont justement ces politiques manœuvrières qui se sont révélées désastreuses pour les Français et le bon règlement des problèmes. Elles ont amoindri la qualité du débat et ont finalement contribué à renforcer ces clivages, au profit des extrêmes et sans rien résoudre. Cette situation s’est maintenue artificiellement pendant le premier quinquennat, grâce non pas à une vraie stratégie mais une gestion au fil du temps et des évènements, et une politique de communication habile et soutenue. À force de ne vouloir fâcher personne et de ne pas régler les questions essentielles, on fâche tout le monde et l’on précipite la France dans la crise car le monde avance sans nous et les défis sont immenses. Faire de l’ambiguïté et de l’ambivalence, est-ce une façon saine de gouverner ? Cette situation ne peut pas durer. Il faut une vraie stratégie et des décideurs qui l’appliquent et non pas des communicants.
LE FIGARO. Comment jugez-vous l’action d’Emmanuel Macron depuis sa prise de pouvoir en 2017 ?
Les errements du gouvernement en matière de gestion de la crise du Covid soulignent bien son incapacité à gérer efficacement les crises. Pourquoi n’at-on pas eu alors de vaccin français ? C’est encore plus grave pour la politique énergétique avec la fermeture irresponsable de 16 réacteurs nucléaires, soit près d’une trentaine à l’arrêt aujourd’hui sur 56 pour des problèmes de corrosion ou de maintenance. Et que dire de la vente de la division turbine d’Alstom aux Américains, qui vient juste de leur être rachetée à prix d’or ? Nous sommes passés d’une situation de premier exportateur mondial d’électricité à une situation d’importateur net et dépendante des fournisseurs étrangers. La France est devenue fragile. L’endettement du pays explose, l’inflation galope, le chômage et l’insécurité s’accroissent et les Français en payent le prix fort. Il n’y a pas de pragmatisme, ni de véritable politique industrielle et écologique responsable. La France du Général de Gaulle, c’est aussi la France des grands programmes.
LE FIGARO. La politique internationale de la France vous semble-t-elle à la hauteur des défis actuels ?
Concernant l’international, je déplore la dissolution de la France dans l’Otan et le diktat de la politique américaine. C’est une grande erreur que d’avoir abandonné l’indépendance de la France dans le commandement intégré de l’Otan. Les Américains exportent leur endettement, appliquent de façon unilatérale leur droit et leurs règles sans réciprocité aucune, s’ingèrent outrageusement avec impunité dans la gouvernance des pays étrangers. Il n’y a qu’à se rappeler les pertes et les destructions considérables causées en Irak, en Syrie, en Afghanistan, en Libye et en ex-Yougoslavie.
Grave erreur aussi que de se couper des Russes, dont on ne peut nier l’importance économique, scientifique, politique et géostratégique. Tout au long de sa vie et fort de plus de trente années d’expérience des dirigeants soviétiques, même aux pires moments de la guerre froide, le Général de Gaulle s’est toujours efforcé de garder une bonne relation de partenariat avec la Russie, seule garante de la prospérité et de la paix dans le monde et bien sûr en France. Nos racines et notre histoire sont communes. Il faudra nécessairement faire la paix avec eux, ce que ne veulent pas les Américains, ni le président Zelensky. On ne fait pas du « en même temps » avec les Russes, ni avec les Chinois, ni avec l’Algérie, ce n’est ni crédible, ni sérieux et en tout cas pas digne de la France. Le 14 novembre mon père, l’Amiral de Gaulle déclarait dans le JDD: « Il ne faut pas se séparer des Russes, ce sont des Européens. »
LE FIGARO. Vous aviez adhéré une seule fois à l’UMP en 2007 mais vous cultivez votre indépendance tout en vous situant à droite. Comment observez vous Les Républicains aujourd’hui?
Je ne vois pas émerger de figure véritable. Je ne vois pas non plus de véritable dimension stratégique. Or la France recule partout dans le monde.
LE FIGARO. Trois candidats s’affrontent pour la présidence du parti LR. Si vous pouviez participer à cette élection interne, lequel choisiriez-vous entre Éric Ciotti, Bruno Retailleau et Aurélien Pradié ?
Je ne les connais pas personnellement. Le vote doit être fait pour celui qui présentera une vraie vision concrète, ainsi que des solutions efficaces, qui répondront dès maintenant aux attentes des Français. Comme il s’agit d’un parti gaulliste, cette vision devra être en accord avec la pensée du Général de Gaulle et porter haut les valeurs de la France.
LE FIGARO. Que dites-vous aux élus et militants qui attendent une refonte complète de la droite ?
Ce n’est pas, à mon sens, une question de refonte complète. Les Français attendent des idées fortes, pragmatiques et non pas des incantations ni de la spéculation.
LE FIGARO. Dans une société où tous les repères sont constamment bouleversés, les gaullistes ne sont-ils pas condamnés aux regrets ?
C’est justement parce qu’il n’y a plus de repères que la pensée gaullienne s’impose et renouvelle constamment notre perspective politique ! La voie qu’il a tracée pour la France est, sans équivoque, une voie d’excellence et de grandeur. La France de mon grand-père, c’est la France de la volonté et des idées, des grands débats et de l’honnêteté. Ce n’est certainement pas celle du diktat de la pensée unique, ni de l’appauvrissement. Il y a deux attitudes : le regret, c’est-à-dire la renonciation, ou la résistance, qui veut dire exister et accomplir. Nul doute que les Français choisiront la seconde ! Le gaullisme reste un phare pour les générations futures. Mon grand-père avait pleinement conscience du sens sacré de son destin pour la France. C’est la conviction inébranlable et la foi immuable qui lui ont donné toute l’ardeur et la liberté d’agir pour la France. Il nous appartient de rallumer la flamme. C’est notre devoir et le devoir précède la liberté.
2 réflexions sur “Pierre de Gaulle : «Les Républicains ont raison de choisir l’indépendance, sinon ils cesseront d’exister»”
La France digne doit redevenir souveraine, donc libre et forte de ses convictions, de son poids à l’international avec des compétences reconnues en diplomatie par les autres nations avec lesquelles elle doit avoir un partenariat et travailler en bonne intelligence. La France doit regagner son statut et sa place dans le monde, cela implique des personnalités compétentes (dans tous les domaines) qui s’engagent à travailler pour la grandeur du pays. Qui ne confondent pas les impots du contribuable avec leurs comptes en banque. La France doit épurer ses institutions de tous ses mauvais serviteurs et enquêter sur ceux qui ont sévi contre ses intérêts fondamentaux. Cela implique un nettoyage de plusieurs ministères en lien avec la justice et l’ordre National. Pour que la France redevienne souveraine elle n’a d’autre choix que de quitter l’Europe qui la manipule, la gouverne, la ponctionne financièrement afin d’appauvrir sa population..Il faut donc mettre en place des personnalités intègres et d’un grand courage…
Bonjour Madame, hé oui, les écuries d’Augias sont pleines mais qui va remettre de l’ordre ?